
S’il existait un doute, tu confirmes qu’on ne connaît la taille réelle d’un infirme qu’à sa mort. C’est aussi en l’absence du maître que les élèves retrouvent ses valeurs. Un maître, tu l’as été dans tous les sens du mot. Enseignant de ton état, du haut de ton grand gabarit, tu estimes avoir trop d’énergie bouillante pour faire carrière devant un tableau. Te voilà débarrassé de la craie pour arborer la blouse de mécanicien au Ghana. Le pays de la technologie t’initie solidement à ce que tu aimes le mieux et te libère pour ton pays. En la matière, tu reviens encore maître. Non plus pour tenir devant une salle de classe, mais un mécanicien maître de son métier. A Lomé, tous les quartiers sont prêts à t’accueillir. Nous sommes dans les années 90. C’est d’abord au bouillant quartier Akodessewa que tu feras ton premier baptême de jeune mécanicien. Le quartier Nukafu-Air Burkina te servira de tremplin pour exprimer ta science.
A la faveur d’un parfait voisinage, plus que des amis, nous devînmes une famille. Se forma ainsi le trio DJERI Souleymane, Abibou Loukoum et le jeune étudiant ABI-ALFA. Féru du ballon rond, tu seras d’ailleurs récemment membre de l’équipe dirigeante de l’emblématique club de football Semassi. La passion pour le cuir rond ancrée, tu ne pourras jamais t’en défaire jusqu’à la dernière heure. Déplacé à Kegue, tu devins maître d’un vaste garage que tu ne quittes que pour un dépannage compliqué là où tous tes collègues croient avoir abandonné une ferraille. Les Diesel Man et Benz n’ayant plus de secret pour toi. Tantôt au garage central administratif, tantôt dans un camp militaire et même tout récemment dans le nouveau quartier industriel PIA, ta blouse est sollicitée même pour les pannes des engins lourds de l’État.
Autant que ton métier, tu as aimé les hommes. Ton lieu de travail sera un centre de rencontre entre amis, apprentis mécaniciens et transporteurs. Sous tes clés, des générations d’apprenants dont la plupart va élire domicile dans ta maison à titre social, vont se succéder. Quoiqu’enflammé dans ton tempérament, jamais ta colère ne traverse une heure de temps. Rassembleur tu fus au point de devenir le représentant du parti du cheval dans toute ta zone. Souleymane, DJERI, Président, Mon Pays, mais Teacher aura été ton nom fétiche. Ta passion du départ et de la fin. Ta battante épouse et tes enfants en te conduisant dans une première clinique, croyaient en un vulgaire excès de fièvre qui abandonne après quelques perfusions. Le mal persistait. Des avis avisés dans d’autres centres feront tomber le couperet : tu souffrais d’une pathologie artérielle rarissime et grave. Tu fus transféré finalement au CHU Campus.
La famille est rassemblée avec l’espoir d’un miracle. Par une sorte de blaguer-tuer, tu étais ainsi en train de t’éteindre à petites braises. Samedi 15 juillet 2023 à 5h, comme une mauvaise blague, le nouvelle tombe, Tchamolla s’en est allé. Consternation, surprise, pleures, mais apparemment tu riais en partant. Seul toi n’étais pas surpris de cette journée qui commence très mal alors que tu laisses inconsolables tes clients, apprenants, partenaires et la famille. À ceux qui croyaient que Teacher aurait pu faire ceci ou cela, tu as dit non, » ma mission fut parfaite, elle prend fin ». Oui, tes proches et intimes ont reconnu ta vraie taille au soir de ta mort. Autant que la mosquée où tu es connu, les quatre lots de ton impressionnant garage étaient trop restreints pour recevoir le monde derrière ta dépouille, ton désormais corps. Te voici couché, au centre de toutes les attentions que les autres doivent maintenant te retourner. Coup de chapeau à eux, ils ont renvoyé si bien l’ascenseur. Au cimetière d’Adéticope, c’est la première fois que nous vivons une scène où les gens traînent à quitter le cimetière après enterrement, mais miracle impossible. Preuve est faite que ton séjour ne devrait pas être vain, tu ne devras rien à personne, au contraire, ils sont nombreux qui te doivent tout. Tes faveurs accordées au transporteur qui ne peut payer un dépannage, le toit que tu accordais volontiers à tous tes nombreux apprenants, la simplicité dans ton quotidien, ton attachement à ton gagne-pain et à ta famille, rien ne fut vain. A ta mort, ceux qui doutaient auraient eu la preuve que tout bienfait se paie ici.
Cerise posthume
Tu laisses derrière toi une femme et six enfants dont 3 viennent de décrocher leur Bac 2, une semaine après ton départ. Cette vaillante progéniture dont, l’unique fille bien aimée, aurait aimer te tendre les relevés de note pour un dernier sourire de Papa, mais ton voyage était plus fort. Altruiste, tu t’es occupé des préoccupations des autres au point de t’oublier. Si ceci est un péché, tu en avais. Nous savons aussi qu’Allah encourage le bien et rétribue le bien par le bien, alors tout en t’ accordant la place des hommes du bien, qu’Il accorde aussi à DJERI Iman, DJERI Manan et DJERI Samiratou ceux qui les aideront à parachever ce merveilleux cursus académique que tu les laisses achever seuls, histoire de compter, parmi eux, un ingénieur mécanicien.
Repose en paix, Mon Pays
Abi-Alfa
